"Sound of Freedom" : le "navet" qui a fait un carton chez les complotistes américains débarque en France (2024)

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La campagne de promotion est lancée, les affiches du film sont visibles dans les gares et dans la rue. "Sound of Freedom" sort mercredi en France, "basé sur une incroyable histoire vraie", promet l’affiche. Ce thriller sur le trafic sexuel d’enfants a bousculé le box-office américain lors de sa sortie en juillet dernier. Encensé par la droite, éreinté par la critique, le film divise. Il est accusé d’être un outil de propagande des théories complotistes de la mouvance QAnon. Explications.

Que raconte le film?

"Sound of Freedom" raconte l’histoire d’un ancien agent du gouvernent américain ayant pour mission de démanteler un réseau de trafic d’enfants abusés sexuellement en Colombie. Le personnage principal est interprété par Jim Caviezel, l'ex-vedette de "La Passion du Christ", de Mel Gibson.

Est-ce une histoire vraie?

Il s’agit d’une fiction inspirée de faits réels. Le réalisateur Alejandro Monteverde s'inspire de l'histoire de Timothy Ballard. Cet ex-agent du département de la Sécurité intérieur américaine a créé en 2013 l’association aux méthodes controversées "Operation Underground Railroad" (OUR). Son objectif: aider les enfants victimes de trafiquants sexuels. Cette organisation s’est spécialisée dans l’infiltration des réseaux de traite d’enfants en Amérique du Sud. Selon lui, l’ONG "a sauvé 1.765 victimes et contribué à l’arrestation de près de 900 trafiquants". Tim Ballard est un mormon, héros de la droite américaine, père de neuf enfants.

Des enquêtes publiées en 2020 et 2021 par les sites Vice Newset Slatedénoncent les méthodes de l’association. Elle est accusée de mal connaître les trafics d’êtres humains, leur fonctionnement et de manquer de professionnalisme dans ses interventions. Vice a également révélé cet été le départ de Tim Ballardde l’association, après une enquête interne.

Pourquoi le film est apprécié des sphères complotistes?

Le sujet traité dans le film, à savoir le trafic sexuel d’enfants, fait écho à la théorie du complot relayé par le mouvement QAnon, selon laquelle les élites mondiales dirigeraient la planète et organiseraient un vaste trafic d’enfants. Ils tortureraient ceux-ci pour leur soutirer de l’adrénochrome, une substance produite par le cerveau de jeunes enfants, dotée d'un pouvoir anti-vieillissem*nt.

L’acteur principal Jim Caviezel est devenu proche de la mouvance QAnon. En 2021, le comédien avait participé à une conférence d’extrême droite dans l’Oklahoma et relayé des théories complotistes QAnon: "Si un enfant sait qu'il va mourir, son corps va sécréter cette adrénaline."

L’acteur a récidivé lors d’un podcast de l’ancien conseiller de Donald Trump, Steve Bannon. Il parle encore une fois de "l'empire de l'adrénochrome". "C'est une drogue d'élite qu'ils consomment depuis de nombreuses années", affirme-t-il, "dix fois plus puissante que l'héroïne" et qui "a des qualités mystiques telles qu'elle vous fait paraître plus jeune".

En plus d'être un proche de Donald Trump, le producteur Eduardo Verástegui est un fervent militant des lois anti-avortement. Le réalisateur Alejandro Monteverde nie tout lien entre son film et les idées QAnon. Déjà, selon lui, car la production a commencé bien avant l’écho de cette théorie du complot. Le film ne contient aucune référence à l'adrénochrome ou à d'autres théories du complot. "Nous avons créé 'Sound of Freedom' pour les croyants, les personnes sans foi et tous ceux qui se trouvent entre les deux", affirme le réalisateur dans une interview.

Qui distribue le long-métrage?

Le film a été tourné il y a cinq ans, en 2018. Mais sa sortie a été retardée. Il devait d’abord être distribué par 20th Century Fox, mais les studios ont été rachetés par Disney, qui a mis le film au placard. De quoi donner du grain à moudre aux complotistes, qui ont crié à la censure, car le film parle de trafic d'enfants.

En 2023, un petit distributeur américain, Angel Studios, s’empare des droits du film grâce notamment à une campagne de financement participatif. La société a pu bénéficier d’un élan de solidarité et de nombreux mécènes. Le film a généré plus de dix millions de dollars de préventes avant sa sortie en salles le 4 juillet, selon Variety. Mais tous ceux qui ont acheté des billets ne sont pas forcément allés le voir dans une salle de cinéma, comme l’a constaté le Guardian. Comptant sur le bouche-à-oreille, l’acteur Jim Caviezel adresse en personne un message enregistré à la fin du long-métrage, demandant aux spectateurs de répandre la bonne parole s’ils ont aimé le film.

En France, le distributeur s’appelle Saje, une société aux convictions chrétiennes. Il a notamment distribué le dernier film de Gad Elmaleh "Reste un peu", où l’humoriste raconte sa conversion au catholicisme, mais aussi le film anti-avortement "Unplanned", diffusé en 2021 sur C8. Dernièrement, Saje s’est occupée de "Vaincre ou mourir", une fiction révisionniste sur les guerres de Vendée inspiré d'un spectacle du Puy-du-Fou, coproduit par le groupe Canal+ détenu par Vincent Bolloré.

"Sa vocation, comme l’écrit son réalisateur, est de sensibiliser à la réalité de la traite des enfants. Nous espérons que le film pourra éveiller les consciences en permettant un débat apaisé et fécond avec l’aide des experts, des journalistes d’investigation et des associations qui travaillent ces sujets depuis des années", écrit la société dans un communiqué.

Que disent les critiques de cinéma?

Tout ce qui est dit autour du film tend à faire oublier ce qui peut être le plus important pour un long-métrage: la qualité de sa réalisation et de son propos. La plupart des critiques ne sont pas tendres. Pour le magazine Première, il s’agit d’un "petit navet inoffensif", "un mauvais thriller bien paresseux". Télérama parle d’"un gros navet, sans cinéma à l’intérieur ni théorie du complot". Le journal britannique The Guardian qualifie le film de "thriller paranoïaque". Seul le magazine Variety est plus positif:"un thriller solidement réalisé".

Quelle a été l’ampleur du succès aux États-Unis?

Doté d'un budget modeste, le film a rapporté gros. "Sound of Freedom" a coûté 14,5 millions et permis d'engranger plus de 180 millions d’euros en Amérique du Nord. Lors de sa sortie, il a détrôné "Indiana Jones et le Cadran de la destinée" au box-office américain.Il est dans les 20 films américains les plus rentables de l’année. L’ancien président Donald Trump a soutenu le film et organisé une projection dans son club de golf de Bedminster (New Jersey). Le film a la cote auprès des partisans de la théorie du complot QAnon.

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