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Succès surprise au box-office américain, grâce au soutien de la droite conservatrice, le film arrive en France précédé d’une réputation sulfureuse.
ParWilliam Audureau
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![Comment le thriller «Sound of Freedom», sur les réseaux pédophiles, est devenu un étendard des complotistes (1) Comment le thriller «Sound of Freedom», sur les réseaux pédophiles, est devenu un étendard des complotistes (1)](https://i0.wp.com/img.lemde.fr/2023/11/15/0/0/1388/741/664/0/75/0/1780c21_1700042655530-screenshot-2023-11-15t110353-987.png)
Après avoir accumulé, cet été, 185millions de dollars (171,7millions d’euros) de recettes aux Etats-Unis pour un budget de production à peine supérieur à 14millions, le film Sound of Freedom, d’Alejandro Monteverde, est sorti mercredi 15novembre en France.
Lire aussi : Article réservé à nos abonnés «Sound of Freedom», le film sur la lutte contre la pédocriminalité qui galvanise les sphères complotistes
Ce thriller sur la traite des mineurs était attendu avec enthousiasme par une partie de la droite conservatrice et les sphères conspirationnistes. Pour d’autres, il est perçu comme un inquiétant marqueur de la contamination de l’imaginaire occidental par une vision de la pédophilie à la fois religieuse, caricaturale et éloignée de la réalité.
S’agit-il d’un film réaliste?
Sound of Freedom raconte le combat de Tim Ballard, un agent spécial américain incarné par l’acteur Jim Caviezel (LaPassion du Christ, Person of Interest). Après avoir sauvé un jeune Mexicain d’un réseau de traite d’enfants, il quitte ses fonctions pour tenter de retrouver et délivrer la sœur de ce dernier.
Il s’agit d’une fiction inspirée de faits réels. La pédocriminalité organisée est une sinistre réalité: la base de données d’Interpol recense 14500pédocriminels et 32700victimes mineures d’exploitation sexuelle à travers soixante-huit pays.
Tim Ballard est un authentique militant des droits humains, connu pour avoir fondé, en2013, Operation Underground Railroad (OUR, «opération chemin de fer clandestin»), un organisme à but non lucratif spécialisé dans l’infiltration de réseaux pédophiles en Amérique latine et aux Caraïbes. Le film raconte sa première opération, son infiltration de la mafia colombienne, en2013, quoique de manière romancée.
Le distributeur du film en France souligne que le réalisateur a «pris des libertés dans la représentation des différentes méthodes de traite des enfants», par exemple en montrant des mineurs détenus dans des conteneurs, ou des images authentiques d’enfants kidnappés dans la rue, qui «ne représentent pas la majorité cas». En France, un tiers des auteurs de violences sexuelles sur mineurs ont eux-mêmes moins de 18ans, et dans 95% des cas, l’auteur est un membre de la famille ou un proche.
Pourquoi le film est-il aussi clivant?
Le film est centré autour de l’organisation OUR, qui défend une vision coup de poing de la lutte contre la pédophilie, très populaire auprès de la droite conservatrice américaine, faite d’infiltration en caméra cachée de réseaux organisés et de coups d’éclat filmés. Sound of Freedom a ainsi eu, à plusieurs reprises et en amont de sa sortie, les honneurs de Real America’s Voice, chaîne de télévision en ligne pro-Trump. En France, le long-métrage est mis en avant par des sites situés très à droite de l’échiquier politique, comme la radio conservatrice SudRadio, le site France-Soir et LeMédia en 4-4-2proche de certains «gilets jaunes».
Mais OUR n’a pas que des admirateurs. L’organisation a été accusée de mise en scène par le passé et a même «une longue histoire d’assertions mensongères», affirme Vice. Ses méthodes de justiciers – alternant infiltration sous couvert et intervention musclée – sont jugées parfois brusques et approximatives, voire d’un «amateurisme perturbant». «Le problème est que c’est très risqué pour les victimes», alertait en2016 Anne Gallagher, fondatrice à l’ONU du Groupe interinstitutions de coordination contre la traite des personnes. Elle regrette également que leurs interventions spectaculaires ne s’accompagnent d’aucun suivi des victimes: «Ils entrent et ils repartent. Ils n’ont aucun moyen de suivre les victimes, aucun moyen d’évaluer l’impact de ce qu’ils font.»
D’où vient le rapprochement avec des thèses complotistes?
Sound of Freedom n’est pas intrinsèquement un film conspirationniste. Mais il est porté par un casting sensible à ce type de rhétorique. L’acteur principal, Jim Caviezel, est un ardent théoricien du complot, qui estime que le président américain, Joe Biden, est aux mains de «marionnettistes», en l’occurrence les «banques centrales», allusion à des accusations antisémites visant la dynastie Rothschild.
Surtout, l’acteur a profité de la promotion du film pour accuser les agences de renseignement américaines de couvrir les réseaux pédophiles et reprendre la théorie de l’adrénochrome, drogue fictive qui serait créée grâce à du sang d’enfant, qu’il avait déjà évoquée en2021 lors d’un meeting de conspirationnistes QAnon dans l’Oklahoma. Plus largement, depuis 2016, la droite conspirationniste américaine s’est convaincue que le Parti démocrate est à la tête d’un réseau pédophile. Elle s’est imprégnée de rumeurs aussi macabres que grotesques, comme celle d’un tunnel sous New York abritant des dizaines de milliers d’enfants capturés; de fournitures d’ameublement servant de supposés noms de code à des mineurs vendus sur Internet; ou encore d’élites pédosatanistes s’abreuvant de sang d’enfant pour concocter de l’adrénochrome, substance qui permettrait de rajeunir.
Le Monde
Soutenez une rédaction de 550 journalistes Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 7,99€/mois pendant 1 an. S’abonnerPlus récemment, des complotistes se disent convaincus que les tremblements de terre à Grindavik (Islande) seraient dus à des mouvements dans les Dumbs (Deep Underground Military Bases, ou bases militaires des souterrains profonds), supposées abriter des enfants kidnappés.
Qui distribue le film en France?
La distribution est assurée par la société Saje distribution, fondée en2012, spécialisée dans ce que les Américains appellent les «Faith Based Movies», ces films basés sur la foi. Elle est dirigée par Hubert deTorcy, membre de la communauté catholique conservatrice de l’Emmanuel, qui s’est aussi chargé en2023de Vaincre ou mourir, le film sur la rébellion vendéenne produit par le Puy du Fou, Sacerdoce, un documentaire de Damien Boyer, Unplanned, sur l’avortement, ou la saison3 de TheChosen, dont les précédentes ont été diffusées sur C8, la chaîne détenue par Vincent Bolloré.
Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Hubert de Torcy, un distributeur de cinéma entre les mains de Dieu
Lorsque Sound of Freedom est sorti aux Etats-Unis, en juillet, les sphères conspirationnistes françaises s’échangeaient des versions piratées, en anglais ou en espagnol, et s’émouvaient de sa non-distribution en France, qu’ils interprétaient comme le signe qu’il «dérange[ait] en haut lieu» et «inqui[était] les élites pédocriminelles». Finalement, il n’y a eu aucune cabale pour interdire la sortie du film, qui a même bénéficié d’une avant-première qu’ont couverte France-Soir, LeMédia en 4-4-2 ou encore Infochrétienne. En tout, Sound of Freedom est sorti dans 226salles à travers la France. D’après les constatations du Monde, il est surtout programmé dans des banlieues et des villes de périphérie.
William Audureau
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